Dissocier la peur du risque

Face à la violence de la réaction du marché, il nous semble important de prendre la parole, comme nous l’avions fait en 2016 (février, juin, novembre), en 2018 (février, octobre, décembre) ou encore en 2019 (mai, août), pour dissocier la peur du risque. La superposition d’événements exogènes, comme le COVID-19 ou la décision unilatérale de l’Arabie Saoudite de faire baisser les cours du pétrole, alimente une nouvelle fois toutes les peurs. Faut-il pour autant céder à la panique?

Quels sont les faits ?

1/ Le virus. A ce stade, nous n’avons pas de visibilité quant à la fin de l’épidémie ; même si les scientifiques évoquent une durée de vie du virus limitée dans le temps. Deux scénarii s’offrent donc à nous : une épidémie de courte durée, qui prendrait fin avant l’été, ou une épidémie plus longue, nécessitant la découverte d’un vaccin. Nous pouvons observer que le nombre de nouveaux cas en Chine a atteint son pic mi-février, et que le nombre total de personnes contaminées s’est depuis stabilisé. Par ailleurs, le virus semble suivre une courbe de progression similaire en dehors de Chine, avec environ un mois et demi de décalage. Bien qu’insuffisants, ces faits militent pour le scénario de courte durée. Quoi qu’il en soit, après la réaction épidermique des marchés confrontés à cet incroyable événement exogène, nous entrons désormais dans une phase d’analyse des effets à court et moyen terme sur l’économie mondiale qui permettront de dissocier la peur du risque.

2/ Les conséquences de l’épidémie sur l’économie mondiale. Les premiers effets sur l’économie mondiale, les plus importants à ce stade, sont les conséquences directes des mesures de confinement prises par la Chine pour endiguer la progression du virus, sur la consommation locale et sur les chaines d’approvisionnement du monde entier. La Chine est en train de lever ces mesures exceptionnelles qui ont paralysé le pays pendant plusieurs semaines ; son plan de relance doit suivre… il devra aussi être intégré à l’analyse globale.

Il y a ensuite les effets de second tour, qui sont le fruit des ajustements d’anticipations faits plus ou moins dans la panique par les différents acteurs du système. Leurs effets sont plus ambivalents. Ce sont bien évidemment les révisions à la baisse des perspectives de croissance faites par les agents économiques, qui pèsent par exemple dans un premier temps sur les cours des matières premières, mais qui ce faisant, auront à terme un impact positif sur les coûts de production des entreprises ou le pouvoir d’achat des ménages, comme en 2014. Ce sont également les interventions des banques centrales pour assurer la liquidité du système, qui certes, posent la question de l’aléa moral, mais qui à court terme, offrent des conditions de financement très favorables aux états notamment, ce qui rend possible des plans de relance. Et c’est aussi, à la surprise générale, la décision de l’Arabie Saoudite d’augmenter sa production pour faire baisser massivement le prix du baril pour des questions géopolitiques, qui fait dans un premier temps plonger les marchés, mais qui s’apparente à terme, à un plan de relance de très grande ampleur.

Les indicateurs macro- et micro- économiques qui seront publiés dans les prochaines semaines, associés aux différents plans de relance, détermineront le scénario central : récession durable, comme le suggère la baisse actuelle des marchés, ou croissance en tôle ondulée, qui permettra de retrouver les plus hauts, comme cela a été le cas ces 8 dernières années, après chaque événement exogène (cf., Tapering, Shutdown, Chypre, Ukraine, Chine, Brexit, Trump, etc.).

Notre analyse. Face à cet événement exogène, la panique a une nouvelle fois fait disparaitre tout discernement, ne laissant plus envisager que des scénarii extrêmes fortement défavorables aux actifs risqués. Dans ce contexte, les promoteurs de couvertures que nous surveillons tout particulièrement font face à une accélération de la demande de protections. Cependant, cette fois encore (cf., Tapering, Shutdown, Chypre, Ukraine, Chine, Brexit, Trump, etc.), face à la violence du mouvement de vente, ils n’ont choisi de se réassurer qu’aux premiers stades seulement, et de façon très ciblée, marquant leur choix de ne pas valider, contrairement à 2008 ou à 2011, la défiance extrême actuelle. L’absence de contagion des risques, synonyme de risque systémique, suggère que nous restons à ce stade dans un scénario central de croissance en tôle ondulée.

Par ailleurs, la hausse des risques que nous observons dans notre matrice propriétaire est sans commune mesure avec les baisses des valorisations déjà enregistrées : cette situation permet d’envisager pour la première fois dans ce cycle de baisse l’introduction d’acheteurs non-traditionnels, puissants, en réaction à toute information infirmant la lecture pessimiste en cours (cf., les 5/15 de février et juin 2016).

Ainsi, à l’instar 2016, 2018 ou 2019, le scénario central reste celui d’une sortie par le haut, avec des rebonds mécaniques violents sur les actifs les plus touchés par le mouvement de panique.